Mercredi 22 janvier

La veille a été une journée très compliquée… On ne m’avait pas apporté mon petit café du matin, c’est ma « drogue » actuelle pour tenir, jamais plus de 2, 3 exceptionnellement par jour. Mais ce mardi, ni Maria, ni Denis ne m’amène le précieux nectar énergisant.
Je suis si fatigué que j’ai dû m’accorder une sieste de 30 minutes, dès 9 heures du matin, à ma pause avant l’entraînement.

En changeant de site de travail, 4 kilomètres dans Paris effectués à vélo, je suis dans mes pensées, à mon introspection du mois d’août, à ces nuits passées à la belle étoile, je ne vois pas cette voiture sortir de sa place de parking, au demeurant, elle n’est pas plus attentive à ma présence, je suis par terre, une nouvelle fois. Je me relève groggy, désorienté, sans savoir réellement ce qui s’est passé, propulsé brusquement d’un été alpin sur les rives du l’Ubaye au trottoir parisien, dur, sans âme, un mardi d’hiver

Un rapide check-up, sonné, dans le vague, les quelques passants rassemblés autour de moi veulent appeler les pompiers, moi je suis debout, tout a l’air de bouger même si ma main gauche tuméfié et mes côtes côté droit me font souffrir, je reprends le boulot dans 15 minutes, je reprends ma route.

J’assure tant bien que mal mon créneau du midi, limitant au maximum les démonstrations d’exercice car je ne peux pas me coucher, tourner le buste, m’accroupir ou lever les bras, peut-être une côte fêlée, peut-être pas, je n’ai jamais accordé une très grande importance à mon corps mais la fatigue est si vive, intense sur ce corps déjà épuisé que je dois prendre 2 heures de sieste l’après-midi à ma pause et que je me coucherai le soir à peine rentré, vers 21h.

Ce matin je me lève sans avoir récupéré, la douleur s’est très légèrement dissipée mais les gestes restent difficiles, je me lève à 6h10 et je suis dans le train à 6h20.

Un arrêt à « Bonne journée » pour un premier maxi pain au chocolat à 6h45, la journée par mal, pas de gainage… Le mercredi je ne travaille habituellement que le matin, à 11h après un RDV à La défense, je reprends le train pour un 2ème maxi pain…

Le train ne fonctionne pas correctement, on doit attendre dans le froid à la gare précédent la mienne, nouvelle cochonnerie au distributeur puis un paquet de gaufres au monoprix de la gare…
11h45, j’arrive chez moi, frigorifié, épuisé et sans énergie, j’ai déjà dépensé 7,20 € pour acheter de la merde, un peu comme un fumeur achète son paquet et fait le même maléfice à son corps.

Cette journée a tout pour devenir un samedi 11 mai bis, je pars me coucher, programmant le réveil pour le lendemain 5heures. Le bonnet et 3 paires de chaussettes, j’espère me réchauffer car je garde en tête d’aller rouler, au pire de me poser sur le home-trainer, choix plus raisonnable.

Vers 13h30, je me réveille et j’arrive à réunir mes forces pour enfourcher le vélo, cet après-midi est ensoleillé mais froid, le thermomètre oscillera entre -2,5 et 0°C ; les premiers coups de pédale sont poussifs, impossibles de me mettre en danseuse, impossible d’appuyer, mes côtes me font souffrir, mais la douleur est gérable.

Direction Triel et la côte de l’Hautil, dès la 1ère montée je sens que ça va être dur, impossible de mettre plus de 300W, de mettre du braquet, de montée en danseuse, l’augmentation de la fréquence cardiaque et la fréquence respiratoire rendent la douleur dans la poitrine plus vive, je monte la côte en 10’ au lieu des 8’30 de mercredi mais je répète l’expérience 1 fois, 2 fois, 3 fois, 7 fois en tout.
Chaque ascension j’ai le temps de penser, j’écris dans ma tête la lettre que je dois adresser à mes parents, à pourquoi je fais ça, alors que j’ai renoncé du moins temporairement, à l’idée de faire des compétitions, peut-être juste une question de survie, de me prouver que je suis toujours en vie, que je ne veux plus revivre mes heures les plus noires, que même toujours malade, j’avance vers des horizons plus joyeux, ne jamais lâcher comme crédo…

Je prends aussi conscience de la chance qu’on oublie souvent de pouvoir pratiquer, quand tout va bien dans notre corps, cette souffrance des mauvais jours, de la blessure, elle me rappelle le plaisir que je dois éprouver quand je décide d’aller m’entraîner, d’aller repousser mes limites, que ces moments doivent toujours être vécus comme un choix, jamais comme une contrainte.

17h25, je rentre de 3h10 de vélo, satisfait d’avoir vaincu mes doutes de ce matin, d’avoir trouvé du plaisir même dans la souffrance. Chaque jour est un espoir, une opportunité d’affronter les épreuves. Je sais qu’il y a une montagne de doutes à surmonter devant moi, je sais aussi que j’ai en moi la force de les affronter

 

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